Au Kenya, des chasseurs-cueilleurs expulsés de leurs forêts ancestrales

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Janet Sumpet Ngusilo, 87 ans, grand-mère de Fred Ngusilo, militant des droits de l'homme de la communauté Ogiek (invisible ), se tient dans une remise à l'extérieur de sa chambre individuelle louée au centre ville d'Oloikirikirai, où elle vit depuis que sa communauté a été expulsée de force de la forêt de Mau, dans le comté de Narok, le 16 août 2025. (TONY KARUMBA/AFP via Getty Images)
Von 22 août 2025

De sa maison qui se fondait dans la forêt de Mau, Fred Ngusilo ne retrouve qu’un sac et une chaussure, sous des bouts de bois éparpillés. Sa communauté de chasseurs-cueilleurs Ogiek, l’une des dernières d’Afrique, se voit chassée de ses terres ancestrales et craint pour sa survie.

Fin 2023, des gardes-forestiers et forces de sécurité kényans ont débarqué par surprise, équipés de haches et marteaux, évinçant en quelques jours des centaines de personnes, relate à l’AFP ce militant des droits humains de 38 ans. Aucun motif ne leur a été donné, ni aucun préavis accordé, assurent plusieurs d’entre eux.

Un jeune homme passe devant les ruines d’une maison dans la forêt de Mau, l’une des nombreuses maisons détruites sur le site d’un ancien village Ogiek dans la forêt du comté de Narok, le 16 août 2025. (TONY KARUMBA/AFP via Getty Images)

« Quand je viens ici, je suis tellement triste. J’en ai les larmes aux yeux », souffle M. Ngusilo en balayant du regard les restes de la maison familiale à quelques dizaines de kilomètres de la ville de Narok, dans la vallée du Rift.

Fred Ngusilo, militant des droits de l’homme de la communauté Ogiek, parcourt les ruines de la maison de son grand-père dans la forêt de Mau, l’une des nombreuses maisons détruites sur le site de leur ancien village dans la forêt du comté de Narok, le 16 août 2025. (TONY KARUMBA/AFP via Getty Images)

Certains Ogiek persistent à y élever leur bétail, mais sont régulièrement chassés par les gardes-forestiers.

Persécutions au nom de la préservation de la zone

Le calme apparent de la plus grande forêt du pays, château d’eau qui abreuve des millions de Kényans, contraste avec les récits de décennies de persécutions et d’expropriations rapportés par ses autochtones, que les autorités kényanes justifient au nom de la préservation de la zone.

Un argument réfuté par la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples.

Des évictions jugées illégales, mais…

Des décisions rendues en 2017 et 2022 par cette juridiction continentale ont jugé les évictions illégales, ordonnant à Nairobi de payer aux Ogiek des réparations équivalant à plus d’un million d’euros et de reconnaître leurs terres ancestrales. Mais le Kenya ne s’est toujours pas exécuté.

Le Programme de développement du peuple Ogiek (OPDP), une ONG protégeant ce sous-groupe de l’ethnie kalenjin, compte plus de 50.000 membres, qui étaient autrefois aussi disséminés sur les contreforts du Mont Elgon (Ouest).

« Maintenant, il faut tout acheter »

Nombre d’entre eux sont désormais contraints de louer des maisons en dehors de la forêt, privés de leurs moyens de subsistance.

« Avant, c’était bien : pas de loyer, pas besoin d’acheter du bois ou de la nourriture. Maintenant, il faut tout acheter », regrette la grand-mère de Fred, Janet Sumpet Ngusilo, 87 ans.

Janet Sumpet Ngusilo, 87 ans, prépare un repas dans un abri à l’extérieur de sa chambre individuelle louée dans le centre-ville d’Oloikirikirai, où elle vit depuis que sa communauté a été expulsée de force de la forêt de Mau, dans le comté de Narok, le 16 août 2025. (TONY KARUMBA/AFP via Getty Images)

Des cérémonies d’appels à la justice

Alors, outre leurs combats devant les juges, les Ogiek organisent ces dernières années des festivals culturels.

Des membres du groupe Lake Bogoria Moran Dancers donnent un spectacle de danse traditionnelle et d’accessoires lors du 6e festival culturel annuel Ogiek à Nkareta ward, dans le comté de Narok, le 15 août 2025. (TONY KARUMBA/AFP via Getty Images)

Des cérémonies, empreintes de nostalgie et d’appels à la justice, qui ont ressemblé plusieurs centaines de personnes ce mois-ci.

« J’avais plus de 500 ruches »

Les jeunes d’aujourd’hui ne connaissent pas cette vie » Avant, « je survivais de viande et de miel. Les jeunes d’aujourd’hui ne connaissent pas cette vie », raconte Salaton Nadumwangop à l’AFP.

 

Winston Memusi, vice-président de l’Ogiek People Development Program (OPDP), (à dr.) avec d’autres membres de la communauté, assis dans un abri en tôle loué au centre ville d’Oloikirikirai où il vit depuis que sa communauté a été expulsée de force de la forêt de Mau, dans le comté de Narok, le 16 août 2025.  (TONY KARUMBA/AFP via Getty Images)

« J’avais plus de 500 ruches (…) nous déposions des feuilles par terre, nous nous couvrions et dormions jusqu’au matin.

Des femmes Ogiek célèbrent le partage du miel brut récolté traditionnellement dans la forêt par les apiculteurs de la communauté lors d’une présentation culturelle au 6e festival culturel annuel Ogiek à Nkareta ward, dans le comté de Narok, le 15 août 2025. (TONY KARUMBA/AFP via Getty Images)

La forêt est notre vie », ajoute cet homme de 55 ans coiffé d’un chapeau en fourrure épinglé de perles évoquant des abeilles.

Des apiculteurs traditionnels font une simulation de récolte de miel dans des ruches traditionnelles fabriquées à partir de troncs d’arbres décortiqués, lors d’une présentation culturelle au 6e festival culturel annuel Ogiek à Nkareta ward, dans le comté de Narok, le 15 août 2025. (TONY KARUMBA/AFP via Getty Images)

« De nombreuses personnes sont mortes »

Avant de témoigner des violences des trois évictions qu’il a subies : en fuyant, certains ont été attaqués par des hyènes et des léopards et « de nombreuses personnes sont mortes », raconte-t-il.

Josphat Lodeya, à la tête de l’unité gouvernementale chargée des minorités et personnes marginalisées, a promis lors du dernier festival Ogiek l’application des verdicts de la cour située à Arusha, en Tanzanie, sans plus de précisions.

« Ils nous considèrent comme des moins que rien »

« Nous sommes un petit peuple. Même si nous essayons de voter, ils nous considèrent comme des moins que rien. Alors ils nous méprisent », estime M. Nadumwangop.

Les autorités « essaient de nous vendre », affirme Fred Ngusilo, qui se dit prêt à mourir pour retourner chez lui.

Harcelé et menacé par des gardes-forestiers

Lorsque l’AFP l’a accompagné en août dans les restes sa maison familiale, il s’est fait harceler par des gardes-forestiers qui ont menacé de l’arrêter.

Contacté par l’AFP, KFS, l’office forestier kényan, n’était pas disponible dans l’immédiat.

Plus de 20% de la forêt a disparu

La cupidité des autorités, avides de l’argent tiré du bois, mène également à la disparition des forêts, déplorent certains Ogiek. Plus de 20% de la forêt de Mau a disparu depuis les années 1980, selon différentes études.

Plusieurs membres de la communauté accusent aussi des projets de crédit carbone, encouragés par le président William Ruto, d’être derrière les expropriations de 2023.

Le président du Kenya, William Ruto va rencontrer le Premier ministre britannique, Sir Keir Starmer, à Downing Street, le 1er juillet 2025 à Londres, Angleterre. (Carl Court/Getty Images)

Des allégations dures à prouver, même si plusieurs avocats et observateurs les estiment plausibles.

Si rien n’est fait

Salaton Nadumwangop se dit « très inquiet ». « Si les choses continuent ainsi, les Ogiek disparaîtront, se lamente-t-il.

Des villageois kenyans se tiennent près d’un champ planté le 10 septembre 2009 sur le flanc d’une colline qui faisait autrefois partie d’une forêt indigène dense dans la partie occidentale de la forêt Mau de l’escarpement de Mau au Kenya. (ROBERTO SCHMIDT/AFP via Getty Images)

Nous serons complètement perdus. »



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